La pêche est un art vieux comme le monde, mais de tout temps, les hommes cherchèrent à en retirer du plaisir.
Plutarque rapporte le fameux concours de Cléopâtre et de Marc Antoine qui avait l’habitude de tricher en faisant attacher par des plongeurs des poissons à son hameçon. Celle-ci commanda à l’un de ses serviteurs « Qu’il se hâte de plonger et qu’il allât attacher à l’hameçon de sa ligne (celle de Marc Antoine) quelque vieux poisson… salé !
Au XVIe, la pêche sportive était parfaitement développée en France. Plusieurs ouvrages halieutiques en font foi, à remarquer en 1554 « La maison Rustique », de Charles Estienne, mais il faut arriver au XVIIe pour trouver des auteurs intéressants.
Le « Frère François Fortin de Granmont », dans son livre « Des Ruses Innocentes » de 1688, nous montre, par des planches (pages 430 et 443) : Comment il pêchait le brochet au vif ou au poisson mort plombé, et aussi d’autres espèces de poissons à la pâte et à la fève bouillie parfumée ou encore au ver ou avec des insectes naturels, ceci à la surprise. Il explique comment faire une canne en deux bouts dont le premier corps creusé au feu contient le scion formé d’une baleine. Ce scion s’adaptait à l’aide d’une virole d’argent. La ligne était en soie verte et comportait un flotteur, plomb, hameçon d’acier et , pour les carnassiers, un avançon en métal. Plus loin il explique l’usage de l’épuisette dont il se dit l’inventeur, les Anglais la connaissait du reste déjà à cette époque.
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Si la France fut la patrie de la vieille vénerie, les Anglais nous envoie leurs mouches et accessoires divers dès le XVIIIe. Au début de ce siècle, la pêche à la surprise, au coup ou au vif, était aussi perfectionnée chez nous qu’à ce jour, les montures seules étaient plus grossières et encore. Voici un procédé de pêche qui date de cette époque et semble tout à fait divertissant : « Vous partez en joyeuse compagnies pour votre étang, en emportant peaux gonflées de vent pour vous coucher dessus, flacons et bouteilles, jambons, langues de bœufs, coqs d’Inde froids et autres bons harnois de gueule, sans oublier la fille de 15 à 16 ans pour vous frotter la tête par les chemins, et si c’est en temps d’hiver, un petit panillon (poêle à bord). A tout ceci vous joignez, dans un sac, 20 ou 30 canards domestiques vivants. Vous voici installé à festoyer au bord de l’eau, mais, avant de commencer, vous lâchez et poussez au large vos 20 ou 30 canards. A la patte de chacun vous avez attaché un cordonnet avec un hameçon et un vif. Pendant le repas, vous avez le plaisir de voir des luttes peu ordinaires entre vos canards et les brochets qui ont mordu ». La littérature halieutique apparaît surtout au milieu du siècle avec Walton et Cotton en Angleterre, et du Hamel de Monceau, en France. Voyons un peu les engins de l’époque. Commençons par la canne. Comme gaule, un bois léger et élastique : coudrier, saule, noisetier, peuplier, sapin, micocoulier, roseau des Indes, avec un scion rapporté en épine noire, pommier, néflier, genévrier, bambou ou mieux baleine. Le premier corps est souvent creusé au feu et renferme un scion de rechange. Le scion est ajusté à l’aide d’une virole ou coupé en biais et ligaturé. La ligne est en cordonnet de soie ou de chanvre, ou le plus souvent de crin de cheval tordu en queue de rat. Le bas de ligne en crin de cheval choisi ou en fil de Pite, espèce de crin végétal venant des Antilles, ou encore en crin de florence venant de Chine, mais qui n’était guère employé qu’en Angleterre, en boyau de chat tordu, en fil de laiton ou en cordonnet de soie. Sa finesse attirait déjà l’attention et il était d’usage de le colorer en vert, bleu ou jaune suivant la saison. Cotton nous raconte que celui qui ne peut pas prendre, avec deux crins de cheval, une truite de 20 pouces de long (24cm), n’est pas digne du nom de pêcheur. Les hains ou hameçons sont en fer ou en acier, à palette ou à anneaux, souvent étamés. Il y en avait de fort petits pour le goujon et l’ablette. Il existait en Angleterre des lignes avec moulinet, telles que nous les concevons aujourd’hui. Elles ne semblent faire leur apparition qu’après la Révolution et encore ! Un artifice le remplaçait : vers le haut de la ligne, une planchette en bois blanc contient, enroulée, cinq ou six mètres de cordonnet arrêté sur le bord par une encoche dans le bois. Un gros poisson était-il pris ? Le cordonnet sortait de l’encoche et la ligne s’allongeait d’autant. Cet artifice, qui tenait lieu de moulinet, était déjà connu très anciennement ; Le Frère François Fortin de Grandmont en parle en 1688.
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La pêche proprement dite…L’épuisette était d’un usage courant. En Angleterre, deux tendances très nettes avec deux chefs d’école : Walton et Cotton. Walton qui évite de multiplier les difficultés, se sert seulement de trois ou quatre mouches de grosseur moyenne qui lui suffisent pour pêcher toute l’année. Cotton, au contraire, utilise une grande variété de mouches. En France, nous avons tendance à simplifier ce que les Anglais nous apprennent à ce sujet. Ci-joint deux planches extraites du traité de pêche de du Hamel du Monceau, Paris 1769. L’influence de Cotton s’y sent très nettement.
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Planche II
(Extrait du Traité de Pêche de du Hamel de Monceau, Paris 1769)
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Planche II. – On voit entre autre la manière de fixer un vif et de monter un hameçon, une épuisette, tordre une ligne de crin, et enfin, la petite planche qui, fixée sur la ligne, permettra d’allonger celle-ci, tenant ainsi lieu de moulinet. Planche III. – Enfant épuisant un poisson, manière de faire une ligature, et en fin toute une série de mouches faites avec des matériaux qui sont les mêmes que ceux employés aujourd’hui.
Figure
18. –
Aunt Fly : fourmi ailée.
Figure 17. – Hawthorn
Fly : mouche d’aubépine. Figure 16. – Dun cat. Figure 13. – May Fly : mouche de mai. Figure 15. – Black Palmer: chenille velue. Les figures 7 et 9 sont des Palmer et 6, 8 et 10 des éphémères, que du Hamel de Monceau dit « n’avoir pu rapporter à aucun des insectes qu’il connaissait, quoiqu’ils soient tous industrieusement travaillés ». Cet auteur cite encore beaucoup d’autres mouches qu’il faisait venir d’Angleterre : des Harry long legs, Cadews, des Gynirus, des gnats, etc.
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Planche III (Extrait du Traité de du Hamel de Monceau, Paris, 1769)
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La Révolution passe, suivie des guerres de l’Empire, on n’a guère le temps de pêcher sportivement. En pleine Terreur, les planches de l’encyclopédie de Diderot et d’Alemberg nous montre des mouches artificielles. Mais ces planches sont copiées dans l’ouvrage de du Hamel de Monceau. Dans la première partie du XIXème siècle, la pêche sportive semble renaître. Sous Charles X, en 1828, La Pisciceptologie ou l’art de pêcher de Cussac, édition Henry, à Paris, nous donne des renseignements intéressants sur toute pêche à la ligne (La première édition de Cussac a paru aux environs de 1800, l’ouvrage ne fut repris et répandu que sous Charles X). La pêche à la mouche semble s’être simplifiée chez nous, pendant la période de tourmente dont on sort. L’auteur recommande des mouches genre araignées, dont il explique la fabrication, ces mouches sont de fantaisie. La nuit on se servira de mouches blanches, au petit jour de mouches rouges, et plus tard de mouches noires. Comme ligne, il est question de textiles variés, tordu ou tressés ensemble avec du crin de cheval, ceci en queue de rat. Le crin devait donner de la nervosité et ce ne devait pas être mal du tout. Chez Kresz aîné, armurier, 36 Quai de la Mégisserie, on trouvait en 1830 des cannes anglaises avec moulinets, des lignes de soie en queue de rat, et un assortiment considérable de mouches. A la même époque, en Angleterre, la pêche du saumon et de la truite à la mouche artificielle se perfectionne de plus en plus et atteint un degré de raffinement sensiblement égal à celui d’aujourd’hui. Alors aussi se perfectionne l’ancienne turlutte en plomb pour morue et brochets, jusqu’à devenir un devon ou un cuiller. Au point de vue du mode de lancer, il est à remarquer qu’autrefois on pêchait avec des cannes longues et des lignes de même taille, ce n’est que plus tard, aux environs de 1880, que le lancer moderne est apparu…
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